Littérature

Les Miroirs du silence : reflet d’une société en constante mutation

C’est le 14 septembre 2018 qu’est sorti de l’imprimerie le premier recueil de nouvelles de Zoubida Bengeloune Fall. L’auteur, sénégalaise bon teint, Saint louisienne et Marocaine d’origine, écrit depuis toujours. Depuis qu’elle sait lire et écrire. Seulement, l’aventure ayant abouti à la sortie de Les miroirs du Silence a commencé il y a un peu plus d’un an. Plus précisément  le 29 juillet 2017, jour où sur un coup de tête Zoubida a créé la page du Kokalam.

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Crédits Photo: Zoubida Fall auteur de Les Miroirs du Silence

En introduction, elle y disait ceci : « Bienvenue dans ce nouvel espace, j’y partagerai les billets habituels que je publie, ainsi que tous ces petits riens qui me passent par la tête. Partagez, invitez vos amis, parlez-en autour de vous… Certainement quelque part d’autres personnes partagent certaines de mes opinions ou pas, dans ce cas soyons d’accord de ne pas être d’accord. Ici on pourra discuter de tout, seuls y sont interdits les étroits d’esprit et les censeurs de la liberté de penser »

Raconter des  »petits riens »

Ces « petits riens » ont tout de suite charmé un large public qui en demandait toujours plus. Oui, Zoubida a su toucher la fibre de beaucoup de personnes. Celle qui a toujours été la « trop trop »,  ‘’trop claire’’, ‘’trop extravertie’’, ‘’trop de franc parler’’ a pu trouver les mots justes, transmettre des émotions à travers ses écrits.

Une habitude qu’elle a depuis petite. Zoubida, aussi extravertie qu’elle puisse être, peine à trouver les mots pour dire ce qui lui tient à cœur. Dès qu’elle essaie, elle pleure d’où qu’elle est qualifiée de ‘’Saule pleureur’’. « Il m’a toujours été plus facile d’écrire ce que je ressentais, que de l’exprimer de vive voix. Mes parents ont eu droit à  de nombreuses reprises à de très longues lettres (rires) ». Elle préfère se confier à l’écrit. Dans un talk à l’Institut africain de management (IAM), elle se remémore son premier journal intime qu’elle avait eu à 10 ans et demi. Il servait à écrire toutes ces choses qu’elle ne réussissait pas à dire. Il a fini déchiré et jeté, parce que découvert et lu.

A cinq ans, Zoubida a été confrontée pour la première fois au rejet. Elle l’a reçu en pleine face à son installation à Saint-Louis. Arrivée dans une nouvelle ville, une nouvelle école où les groupes étaient déjà formés, elle a eu du mal à trouver sa place. Elle qui savait réciter par cœur Le mariage de Karamba du livre de lecture Ami et Rémi, première de la classe, appréciée par le corps enseignant, peinait à s‘intégrer. Elle a trouvé refuge dans la bibliothèque de l’école. Son premier livre lu ? Taram et le chaudron magique de Véronique de Naurois qui lui fait découvrir l’univers du monde médiéval, fantastique auquel elle reste très attachée. Il lui permet de trouver des livres qui ne sont pas la réalité, qui lui permettent de s’éloigner d’une société où le jugement a une place importante.

Facebook, ce grand roman

Lectrice compulsive, Zoubida lit tout et n’importe quoi. Après avoir lu tous les livres de la bibliothèque jeune du centre culturel français de Saint-Louis, elle  passe à la mythologie grecque, se demande pourquoi les ailes d’Icare sont mal faites au point qu’il les perde.  A 9 ans, c’est L’aventure ambigüe de Cheikh Hamidou Kane auquel elle ne comprend absolument rien, dévore les Harlequins, Mary Higgins Clark, Danielle Steel…Rien n’échappe à la voracité de Zoubida qui, en même temps, continue d’écrire quelques textes pour des copines, parfois même des poèmes. Ayant un sens des affaires très poussé, elle se fait rémunérer.

L’avènement de Facebook donne une autre dimension à son écriture.  Zoubida Fall considère ce réseau social comme un lieu de lecture, un superbe roman. La montée en puissance de Facebook au Sénégal correspond avec l’arrivée des groupes et la possibilité de se faire publier en anonyme. On voyait de plus en plus de posts du type « posteel ma ano » avec les ‘’ano’’, ces posts anonymes où une personne, généralement une femme en détresse, lance un S.O.S. à ces femmes brisées, la réponse standard était toujours ‘’Yokal Feem’’ (redoublez d’astuces). Ce qui la plongeait dans un profond questionnement : à quel moment les femmes décideront-elles de s’aimer elles-mêmes ?

Lasse de ne pas trouver de réponses, elle apporte les siennes à travers ses  fictions, dans lesquelles, en filigrane, résonne, comme une injonction, la nécessité pour chacun de prendre le temps de vivre, d’évoluer, d’aller plus loin et tout simplement de  s’aimer.

Sur sa page Du Kokalam, tout ce qu’elle voit, lit, observe autour d’elle, qui l’interpelle, surtout quand il s’agit d’injustice, devient une petite chronique. Les jugements de valeur et l’injustice sous toutes ses formes la font plus réagir qu’autre chose. Zoubida voulait écrire pour écrire, faisant fi du genre. Ce qui lui importait ? Écrire une série de textes afin d’inviter ses lecteurs à voir avec ses yeux. Parallèlement aux billets postés sur son blog, elle avait démarré l’écriture d’une série de textes. Elle décide les présenter à quelques amis sous un nouveau concept qu’elle souhaitait tester. C’est en les compilant et après les avoir fait lire que le fil conducteur a été trouvé. Et même après cela il n’était pas prévu de sortir un recueil de nouvelles, tout au plus, les présenter en avant-première à ce groupe d’amis. D’ailleurs la première version du recueil présentée le 1er juin était composée de 14 nouvelles.

C’est au lendemain de cette soirée de présentation et suite à un échange sur un post Facebook que la ‘’MadTeam’’ est née et a elle-même donné naissance à ce recueil, Les Miroirs du Silence, composé de  20 nouvelles

Quelques mois de réécriture, correction, relecture, une campagne de levée de fonds plus tard, le recueil autoédité voit le jour et il est salué par les lecteurs qui se l’arrachent. Le recueil s’ouvre sur ces mots : « ce recueil a vu le jour grâce à la « MAD TEAM » et au pouvoir extraordinaire des réseaux sociaux. »

Oumar Sall, un autre auteur et critique, estime qu’« une grande humanité, une ample sensibilité, une intense attention à l’autre » se dégagent du livre. C’est « un éloge du vivant par la permanence du souci. Une préoccupation élégante et pudique du si délicat sort des autres. De cette envie que tout aille mieux et bien pour tous ces regards croisés, ces allures fragiles mais tenaces. Parce que notre quotidien est traversé par ces souffles irréguliers, faibles et, malheureusement, nombreuses. ». Pour Charles Sanchez, c’est le recueil a absolument avoir dans sa bibliothèque. Binetou Seck, internaute sur la page du Kokalam juge que le livre est ‘’ bien écrit et surtout relate ce qui se passe dans la société d’aujourd’hui’’

A propos du Kokalam

Du Kokalam est un clin d’œil à l’expression ‘’Du ‘’Coq à l’âMe’’ de la chanteuse Linda Lemay, version extraite de son concert à l’Olympia, en 2003, chanson découverte par Zoubida Fall en 2005. Les paroles lui ressemblaient ainsi que la manière de le dire. Elle avertissait ses potentiels lecteurs : « Si vous avez le jugement facile, cet endroit n’est peut-être pas pour vous.
Si vous voyez tout en blanc ou noir aussi, il n’est certainement pas pour vous. Ici, vous rencontrerez des personnages un peu cassés sur les bords, que la vie n’a pas toujours épargné, que la société a pressé beaucoup, que le poids des
‘’c’est comme ça et pas autrement’’ a laissé courbé. Ces chaines invisibles sous-tendent leurs vies et la nôtre aussi. Vous vous rendrez compte que le regard de l’autre est un lourd fardeau que nous portons telle notre croix. Peut-être quelque part, en regardant par mes yeux, vous verrez les choses comme je les vois, différemment, avec plein de nuances de gris. »

Du Kokalam pour soigner nos vagues à l’âme…… ? Comme le dit Linda Lemay, ‘’Merci les hommes, merci les femmes
De comprendre qu’y vaut mieux
Passer bêtement du coq à l’âme
Que rester silencieux…’’

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