Chroniques

Des rêves à la mer (chapitre 6)

Chapitre 6 : Espoir.

Agnandine fut rejoint par Ousmane.

Ousmane : Abdou il est fou. Je ne sais vraiment pas ce qui lui prend. J’espère que tu n’as pas cru en ce qu’il disait ?

Agnandine : Je ne sais même plus quoi croire. Si on meurt ici, on saura que c’était la fin du voyage, c’est tout. Ce sera la faute à pas de chance.

Ousmane : Et puis aucun bateau ne va couler. Nous allons arriver à Dakar sains et saufs.

Agnandine : Amen.

Ousmane : Abdou a raison. Je t’aime. Je suis Fff…

Agnandine : Stop. Je ne veux entendre ça. Tu es quand même comme un grand frère pour moi.

Ousmane : Comme, oui juste comme mais pas un grand frère. Je t’aime. Je veux faire ma vie avec toi.

Agnandine : Ecoute, je vais me marier. Mon gars va se faire sa demande. Il attend que j’arrive à Dakar.

Ousmane : Tu n’as pas de gars.

Agnandine : Si ! Abder ?

Ousmane : Quel Abder ?

Agnandine : Abder, le seul, l’unique.

Ousmane : Mais vous vous disputez tout le temps.

Agnandine : Bah tiens, on ne voulait tout simplement que les gens sachent qu’on est ensemble.

Ousmane : Et ça date de quand ?

Agnandine : Ma première année à l’UCAD.

Ousmane : Mais…..

Agnandine : Oublie qu’un jour tu m’as dit que tu voulais faire ta vie avec moi. Il fait nuit. J’avais promis à papa de m’enfermer dans ma cabine  dès la tombée de la nuit.

Ousmane : Tu ne vas pas assister au concert ?

Agnandine : Non. Je suis fatiguée en plus. La journée a été riche en émotions.

Elle fit la bise à Ousmane et partit s’enfermer dans sa cabine. Une cabine individuelle où elle avait jeté ses affaires en vrac. Elle entreprit de ranger ses affaires avant d’enfiler un pantalon et un tee shirt en coton. Elle se servit de son sac à main pour en faire un oreiller et plongea dans la lecture de romans à l’eau de rose du type Harlequin. Avec son baladeur Cd Mp3, elle écoutait du zouk et du cabo. Agnandine adorait « Oh menina » de Zé Roberto. Pour elle et ses cousines, Kayo corpo était un indémodable. Sur le Cd qu’elle avait emporté avec elle, il y avait également Fallait pas de Jacky Rapon, Avec toi de Virginie Lolia, Morango do Nordeste de Roger, Océan de Thierry Cham entre autre titres en vogue à l’époque. Chacun de ses titres lui faisait penser à une cousine, à ses sœurs, à sa famille. Elle éclatait de rire dans sa cabine, en repensant à leurs délires. Cette année, se disait-elle, on n’ira pas à Sakal en Décembre. On va faire une méga fête pour mon anniversaire, celui d’Hélène, de Queenie et de Séckou. Agnandine était née le 25 décembre, sa sœur le 24, Queenie le 15 et le cousin Séckou le 9. Bijou et Fatou vont venir en vacances.  C’est une bonne idée ça. Papa et Maman vont pouvoir se retrouver seuls. En pensant à ses parents, elle sourit. Elle formula des prières pour eux, et pria pour elle. Elle espérait qu’avec Abder, ils réussiraient à former un couple à l’image de ses parents. Ces derniers se disputaient rarement. Le papa paraissait Macho, mais chaque fois qu’il avait un problème, il accourait vers sa femme qui était sa confidente. Il ne tarissait pas d’éloges vis-à-vis de celle qu’il appelait la femme de sa vie, son port d’attache, son oxygène. Agnandine et Hélène les avait surnommé le couple heureux. Tout à ses pensées, Agnandine ne se rendit pas compte que son baladeur avait arrêté de fonctionner. Elle s’en rendit compte quand elle entendit de grands bruits au dessus. Elle se dit que la fête battait son plein sur le pont supérieur. Elle se leva, fouilla dans son sac à main et dégotta des piles neuves qu’elle s’empressa de mettre dans son appareil qu’elle redémarra. En rangeant son sac, elle sortit son portable pour avoir une notion de l’heure. C’était un Siemens A50, un super solide téléphone comme on en fait plus. Elle vit qu’il était 22h. Elle posa le téléphone près d’elle et continua sa lecture. Était ce parce qu’elle était concentrée sur sa lecture ? La musique était elle trop forte ? Agnandine se retrouva d’un coup hors du lit. La lumière clignota avant de s’éteindre totalement. Elle essaya de se relever et retomba brutalement. Elle aperçut son portable, s’empressa de le prendre. Elle éteignit son baladeur, et enleva le casque. Elle s’exhorta au calme, tenta de s’habituer au noir et ouvrit grand ses oreilles. D’abord, un grand silence, avant des cris, et elle se retourna totalement dans sa cabine. Totalement désorientée, Agnandine se servit de la faible lumière pour découvrir le lit au dessus d’elle. Elle comprit que le bateau avait chaviré, coulé, peu importe, c’était la catastrophe. Au dehors, la tempête faisait rage. Elle entendait ou devinait des cris. Elle se disait être en plein film d’horreur. Elle essaya d’ouvrir la porte de la cabine qui était bloqué. Elle voulut casser le hublot, et puis elle se rappela le film Titanic. Elle s’empressa d’attacher son gilet de sauvetage et entreprit d’attendre les secours qui, elle l’espérait, arriveraient dans les prochaines 24h au maximum. Dans ce moment où elle était seule, toutes les pensées d’Agnandine convergèrent vers Abdou. Il allait devenir fou s’ils mourraient tous.  Elle pensa également aux autres étudiants avec qui elle avait pris le bateau.  Foncièrement optimiste, elle se dit qu’ils allaient être secourus. Elle avait en tête le Titanic. Si à l’époque, les secours ont pu sauver des gens, au 21e siècle, il sera plus aisé de sauver des gens. Comme il faisait noir, elle s’est endormie en se disant Hélène et Queenie vont m’envier quand je leur raconterai mes vacances. Elle fut réveillée par l’alarme de son portable qui sonna à 5h45. Elle l’éteignit et fit ses ablutions sans eau avant de prier en position assise. Elle se rendormit. Elle se réveilla vers treize heures. Elle était étonnée d’avoir tant dormi. Elle réessaya d’ouvrir la porte de sa cabine, elle n’y arriva pas. Elle se rassit à même le parquet. Elle alluma son baladeur et commença à écouter sa musique. Elle tapait la mesure de ses pieds quand elle entendit du bruit. Elle enleva son casque et tendit l’oreille. Il y avait bien un bruit qu’elle ne parvenait pas à identifier. Elle donna des coups au mur. Elle patienta cinq secondes et entendit une réponse.  Elle repensa au Manuel des Castors Juniors de Disney, au Club des cinq d’Enid Blyton, à Alice Détective de Caroline Quine. Dommage qu’elle n’ait pas appris le morse. Elle se rassit et regarda son portable. Elle avait deux barres de réseau.  Etait elle en territoire sénégalais ou gambien ? Comment se fait il qu’elle ait le réseau ? C’est une opportunité à ne pas rater. Il faut que j’envoie un sms. Mais à qui ? Papa, maman et Hélène n’ont pas le réseau. Ils sont à Sakal. Elle décida d’envoyer un sms à son cousin Séckou. Lui, il vit à Dakar. Il est à Dakar. Il n’avait pas de vacances pour cette année. Il est nécessairement à Dakar.

Séckou était bien à Dakar. Il avait quitté son boulot depuis onze heures. Il ne se sentait pas bien. Arrivé chez ses parents, il a trouvé Hélène.

Séckou : Miss, c’est la fin des vacances ? Et c’est quoi cette tête d’enterrement ?

Hélène : Tu t’es vu ? Qu’est ce qui t’arrive ?

Séckou : Je me sens mal depuis ce matin. J’ai du choper la crève. Je vais aller me reposer. Et toi ? Tu n’es pas rentrée un peu tôt ? D’habitude, tu attends le mois de novembre pour rentrer à Dakar.

Hélène : Tu n’es pas au courant ?

Séckou : De quoi ?

Hélène : Le bateau le Joola a fait naufrage au large de la Gambie.

Séckou : Putain de merde. Ne me dit pas qu’Assome avait pris le bateau ?

Hélène : Assome, je ne sais pas. Mais Agnandine a pris le bateau.

Séckou vacilla. Il se traina jusqu’au canapé et s’assit.

Séckou : Pourquoi ?

Hélène : ça devait arriver. Il ne nous reste plus qu’à prier pour elle.

Séckou se releva et partit dans sa chambre. Il alluma la radio pour écouter les informations. On parlait d’une catastrophe, une grande catastrophe. Les secours étaient en route. Des pêcheurs étaient allés au secours des naufragés. Des nouvelles qui venaient au rythme des informations en brèves toutes les quinze minutes. Les autorités disaient qu’ils maitrisaient la situation. Elles se voulaient rassurantes, mais elles ne rassuraient personne. Séckou, en écoutant les journalistes pleurait pour se cousine adorée, et tous ceux qui avaient pris ce bateau de malheur. Une heure, deux heures, trois heures passèrent sans qu’il s’en rende compte. C’est la sonnerie de son portable qui l’extirpa de ses pensées. Un sms. Un sms d’Agnadine. Elle disait seulement : « On va bien. On attend les secours. »

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