Chroniques

Des rêves à la mer (Chapitre 9)

Chapitre 9 : Des rêves à la mer.

Elle va bien. Priez pour elle.

Elle l’avait dit si calmement. Elle semblait apaisée. Bijou, si proche d’Agnandine qui sort de sa maladie pour dire qu’Agnandine va bien. Comment interpréter cela ? Pour le père de famille, cela voulait dire que sa fille ainée dont elle était si fière vient de s’éteindre, seule dans sa cabine. Elle n’aura pas droit à une sépulture, tout comme elle ne se mariera jamais. Elle ne va pas rejoindre une entreprise pour son premier emploi. Elle n’aura pas d’enfants. Elle ne sera pas là pour guider ses petites sœurs, ses petites sœurs qui la considéraient comme une deuxième mère.

Combé ne réagit pas. Elle n’en pouvait plus. Elle avait tellement pleuré, depuis qu’elle a su pour le naufrage. Elle ne bougeait pas. Elle restait amorphe. Tout comme Fatou.

La comique de la famille gardait le silence. Elle aurait voulu croire qu’elle reverrait sa sœur, mais les informations qu’elle entendait à la radio ont tué tout espoir en elle. Même quand on évoquait les sms envoyés par Agnandine, elle ne se faisait pas d’illusions. Elle a perdu sa grande sœur. Personne ne le lui rendra. Elle a de la chance d’avoir Hélène, et Bijou. Elle va tout faire pour veiller sur elles, surtout Hélène qui l’inquiétait plus que tout. Son calme depuis le début l’inquiétait.

Hélène. Hélène s’était faite violence pour soutenir son père, sa mère, être là pour ses petites sœurs. Elle était le roc sur lequel toute la famille Diatta s’était appuyée. Ce roc s’effrita, s’effondra totalement. Hélène sanglota violemment. Les larmes coulaient sur son visage. Elle hoqueta violemment et à plusieurs reprises. Puis elle s’évanouit.

Hélène, réveille-toi. Qu’est ce qui t’arrives ? Hélène toi aussi. Ne me fais pas ça. Réveille-toi. Agnandine est partie. Si tu ne te réveilles pas, je fais comment ? S’il te plait réveille-toi.

Elle ouvrit les yeux.

Hélène : Agnandine est partie ?

La voix : Oui. Elle est partie.

Hélène : Définitivement ?

La voix : Hein ? Ça va toi ?

Hélène : Euuhhh oui, ça va.

La voix : j’ai faim. Il n’y a plus de savon dans la salle de bain.

Hélène : Ndeyssane, Agnandine.

La voix : Pourquoi Ndeyssane Agnandine ?

Hélène : Queenie ?????!!!!! Qu’est ce que tu fais ici ?

Queenie : Weuh, tu me dis de venir passer le week end avec vous chez tonton Amaye, et tu m’agresses comme ça ?

Hélène : Hein ? Je suis à sacré cœur ???? Wowowo.

Queenie : Tu as pleuré dans ton rêve. Cauchemar plutôt.

Hélène : Agnandine, elle est où ????

Queenie : Elle est partie chercher ses résultats. C’est pourquoi je suis là. Ce week end on va célébrer son succès.

Hélène : Queenie, Agnandine est vivante ?

Queenie : Non mais ça ne va pas non ? Pourquoi, tu veux tuer l’enfant d’autrui ?

Hélène : Queenie ne rigole pas avec moi.

Queenie : Non mais Agnandine est partie à l’université pour chercher ses résultats.

Hélène : Queenie, tu ne me charries pas ?

Queenie : Hélène, de quoi tu as rêvé ?

Hélène : Hi, Queenie. Agnandine a eu sa maitrise, elle est partie en Casamance. Elle a passé de merveilleuses vacances avant de prendre le bateau Le Joola qui a fait naufrage au large de la Gambie. Et elle est morte.

Queenie : Astafirroulah. Hélène. Pas étonnant que tu ais autant pleuré. J’espère juste que ce n’est pas un rêve prémonitoire. Je t’ai dit d’arrêter de regarder tes films de naufrage là. C’est à cause de ça ton subconscient te fabrique des rêves aussi bizarres.

Cette réflexion de Queenie fit rire Hélène.

Hélène : Quoi qu’il en soit, le rêve là on dirait ne va pas se produire. Parce que tu apparais au milieu, pas au début.

Queenie : Super Queenie casse tout et chamboule tout, comme d’habitude. Mais appelle ton père et parle-lui de ton rêve. Il saura quoi faire. Peut être, il y a des offrandes à faire.

Hélène appela son père, qui rigola aux larmes.

Hélène : Papa. Je suis sérieux.

Papa : Non mais Hélène, tu m’imagines laisser une de mes filles prendre le bateau ?

Hélène : N’oublie pas ce que je t’ai dit papa. Garde ça en tête. Si Agnandine a sa  maitrise, il ne faut pas céder à toutes ses demandes.

Papa : D’accord Hélène. Je garde ça en tête.

Queenie et Hélène passérent la matinée à regarder la télévision et à délirer en attendant l’arrivée d’Agnandine. Agnandine qui appela Hélène dès qu’elle eut ses résultats.

Hélène : Miss, tu as eu tes résultats.

Agnandine, faisant la déçue : Non. Je passe en octobre. Je ne sais pas comment c’est possible.

Hélène : économise ta salive. Tu as eu ta maitrise. Tes projets en ce moment, c’est passer de bonnes vacances en Casamance. Tu passeras de bonnes vacances. Mais tu vas mourir au retour.

Agnandine : Toi, ta bouche hein ? C’est quoi ce bordel. Arrête tes trucs de sorcier tout de suite là. Tu me fais peur. C’est quoi ces histoires ?

Hélène : C’est le rêve que j’ai fait ce matin. J’ai tellement pleuré.

Agnandine : C’était juste un cauchemar. Il ne faut pas entraver mes projets parce que tu as une imagination débordante.

Hélène : Ce n’est pas une affaire d’imagination. Au fait tu sors avec Abder ?

Agnandine : C’est juste un ami. Pourquoi je sortirai avec lui ?

Hélène : Tu ne sors pas avec Abder depuis ta première ou deuxième année à la fac ?

Agnandine : Hélène, tu m’inquiètes là.

Hélène : Dans mon rêve, il dit qu’il en a marre de la clandestinité. Il va te demander de l’épouser.

Agnandine : Je te rappelle.

Elle raccrocha toute chamboulée. Ce rêve n’était pas juste un rêve. Elle erra un moment avant de se décider à rentrer. Elle trouva Hélène et Queenie en train de bavarder, comme d’habitude.

Queenie : Oh la maitrisarde. « Souma maggué ni yaw la beugue mél » (J’aimerais  te ressembler quand j’aurais ton âge)

Agnandine : Il n’y a pas moyen. Tu es trop folle.

Hélène : Je suis trop contente de te voir. J’avais sérieusement cru que tu etais morte.

Agnandine : Euh, je meurs comment dans ton rêve ?

Hélène : Tu etais dans le bateau le joola qui a chaviré. Tu etais dans une cabine. Tu as dû probablement mourir faute d’air.

Queenie : Tout ça dans ton rêve ?

Hélène : Désolé. Je sais que tu tiens à aller en Casamance. Mais j’ai dit à papa de ne pas te laisser partir.

Agnandine : Je vois. On ira à Sakal tout simplement. Queenie, tu viens avec nous ????

Queenie : Pardon hein. Il faut me laisser à Dakar.

Elles arrosèrent comme il se doit la réussite d’Agnandine, puis les deux sœurs partirent passer leurs vacances à Sakal.

Le 26 septembre 2002, C’est Agnandine regardait vers 10h la chaine de télévision TV5 quand elle vit des informations faisant état du naufrage du bateau le Joola. Ce qu’elle ressentit en ce moment là, nul ne peut le décrire. Elle partit trouver Hélène dans la cuisine. Elle regardait sa sœur bizarrement. Etait ce une sorcière, une voyante, une extra lucide ? Comment a-t-elle pu prédire ce qui était en train de se dérouler ?

Hélène qui avait les écouteurs de son lecteur Mp3 bien visés dans ses oreilles n’avait pas fait attention à sa sœur, qui l’observait assise sur un banc. C’est le raffut que fit son père en débarquant dans la cuisine qui lui fit enlever ses écouteurs. Elle se retrouva face à Agnandine :

Hélène : Que se passe-t-il ?

Agnandine n’eut même pas le temps de répondre. Son père entra dans la cuisine.

Papa : Hélène, le bateau le Joola a fait naufrage au large de la Gambie.

Sous le choc, elle s’effondra.

On la ranima. Elle pleurait. Non, pas ça. Ce n’est pas possible. Ce cauchemar ne peut pas être vrai.

Et c’était vrai. Jusqu’à présent, Agnandine ne sait pas si elle doit se réjouir ou pas d’avoir survécu au naufrage du bateau le Joola. Beaucoup de ses amis y restèrent, tout comme beaucoup de membres de sa famille.

Fin.

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