Cinema

Ils ont plié, mais n’ont pas rompu

A Tombouctou, malgré qu’ils étaient armés, qu’ils étaient  les plus forts, les jihadistes n’ont  pu avoir raison des habitants de la ville des 333 saints. Les populations, dans leur apparente passivité, ont résisté avec fermeté, sans usage de violences. Ils sont restés libres malgré l’oppression. Tout le sens du film d’Abderahmane Sissako.

Un beau film qui a été tourné à Oualata en Mauritanie une ville jumelle de Tombouctou au Mali. L’illusion est presque parfaite. Le décor est bien trouvé, pour raconter le quotidien des populations qui font face à un bouleversement terrible. Du jour au lendemain, elles se retrouvent obligé de porter le voile, des chaussettes et des gants pour les femmes avant de circuler librement dans la ville.  Les hommes doivent aussi revoir leur habillement. Les pantalons ne doivent plus arriver aux chevilles. La cigarette, la musique, le jeu …. Tout est banni. Il n’y a plus d’espaces de liberté sauf pour les Jihadistes qui se révèlent des êtres instables. Leur conviction n’est pas si profondément ancrée. En atteste le rappeur à qui on veut faire croire que tout est éphémère dans ce monde. Contraint et forcé, il doit renoncer au « Yo man » comme le lui intime Abou Hassan un des nombreux chefs djihadistes. 

Face à l’imam qui leur tient tête, ils argumentent sans convaincre. A défaut de convaincre, ils utilisent la force, arrachent tout ce qu’ils considèrent comme dus. La charia est leur loi. Ils l’appliquent sans discernement, aux autres. Eux, ils sont des élus en plein Djihad. Raison pour laquelle, ils peuvent se permettre d’entrer dans une mosquée, chaussés.  Ce qui est en contradiction avec les valeurs de l’islam. Des valeurs de l’islam allégrement bafoués au nom de la Charia ou du ‘’Djihad’’. ‘’Djihad’’ dont ils ont une interprétation erronée. Comme le disent beaucoup d’érudits au Sénégal et comme l’a montré Sissako dans son film, ‘’Djihadoune nafsu’’ c’est le fait pour l’être humain de combattre ses démons, ses passions, arriver à se maitriser pour être conforme aux croyants tels que décrits dans les livres saints.Timbuktu  (Tombouctou en Tamasheq) est un film fort, un appel à une autre vision de l’islam. A travers ce film, c’est comme si le réalisateur invitait le monde à regarder les jihadistes comme ils sont : des hommes tout à faits ordinaires, en pertes de repères, qui se disent sauvés par une foi qu’ils n’ont même pas, des hommes qui ne sauraient représenter tous les musulmans du monde.Des musulmans qui partagent les mêmes valeurs que toute l’humanité. Ils croient en la solidarité, en l’amour… Comme le prônait Dumbledore dans Harry Potter. Rien de neuf ! Juste une piqûre de rappel.

Sur le plan technique, le film frise la perfection. Abderahmane Sissako a démontré toute la maitrise de son art avec les différents plans, tableaux présentés dans cette œuvre d’une grande facture cinématographique. Surtout si on a en tête, les difficultés liées au tournage qui se sont faites en six semaines, en plein désert sous haute surveillance militaire. Le film a été écrit rapidement. Il n’a pu être tourné à Tombouctou même à cause d’un attentat. Au départ, ça devait être un documentaire. Finalement, c’est devenu une fiction. Écrit à la va vite, elle est très critiquable sous bien des aspects. Les habitants sont présentés comme des victimes de Jihadistes venus d’ailleurs. Alors que ceux venus d’ailleurs, ont pu bénéficier de la complicité de certains habitants.L’alternance entre des moments chargés de gravité comme la lapidation du couple et la chorégraphie du danseur, le magnifique tableau avant l’agonie du pêcheur sont des moments forts, qui vous habitent et restent gravés au fer rouge bien après la fin du film. Un film très actuel, très à la mode puisque sorti à un moment où partout les extrémistes s’affichent, totalement décomplexées, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs, de gauche ou de droite. Il nous prouve encore une fois que partout où prend place la barbarie humaine, fleurit toujours ce qu’il y a de meilleur en l’Homme.

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